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36ème Congrès du CIHA - Lyon 2024

Parrainé par le Ministère de la Culture,
le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche,
le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Repenser les arts et les musées. L’objet entre histoire coloniale et voix autochtones

Sara Petrella 1, Mylène Steity 2

1Université De Fribourg - Fribourg (Switzerland), 2Université De Neuchâtel - Neuchâtel (Switzerland)

Sujet en anglais / Topic in english

The concepts of "art" and "museum" have to be rethought in the light of studies of artifacts made in the Americas, Africa, Asia or Oceania in the context of colonial history (16th-19th centuries) and now held in European collections. This specific context of the circulation of consumer goods on a global scale must encourage us to consider things in motion and to highlight the history of the construction of values that have been attributed to them over time (Kopytoff, 1986). The study of these objects must be integrated into a political, ideological and aesthetic history of paradigms that determine both their trajectory, their conceptualization in the colonial context and their reception today.

The different materials that make up these objects, the forms that illustrate them and the gestures that accompany them testify to their hybridity (Biro, Étienne, 2022), having been isolated, modified or reinterpreted. These objects carry meanings and values that are constantly changing. Material culture studies allow us to understand these changes in "the social life of things" (Appadurai, 1986). How are different "ontologies" (Descola, 2021) configured at the crossroads of the object? How can they be analyzed in the light of Indigenous intangible heritages (Paré, 2003)? What are the traces of different relationships to the world, or even of different forms of cultural interaction? What processes enable them to be activated (Gell, 1998) and what material evidence testifies to their successive reappropriations?

The political economy, the commodification of cultures and the emergence of tourism in connection with colonization allow us to understand how these objects were described and translated until the middle of the twentieth century in a system of classification that has long hierarchized European and non-European artistic productions. Material histories of objects allows us to better understand the hierarchies between artistic productions as well as the relationships and systems of exchange that exist between different regions of the world. It will then be a question of identifying the interactions between Western representations and Indigenous material culture, from transposition to translation or resistance. What are the material particularities of these objects that were imposed as soon as they entered collections in Europe and what is their link with general concepts linked to a certain definition of "art" (authenticity, aestheticism) (Phillips, 2020)? Can we observe exchanges between scientific illustration, and more generally the history of Western images, and these artifacts, or note direct impacts, for example on their modes of exhibition in Europe ?

The aim of this panel is to present models of provenance research by placing isolated artifact trajectories within a global geopolitics, which takes into account the specificities not only of the main empires of Europe, in particular France, but also their links with agents in bordering countries, such as Switzerland (Brizon, 2023). The proposals will also highlight innovative study and research methodologies to apprehend the polysemy of these objects, drawn for example from the new museology and participatory research (Simpson, 2016) in a perspective of decolonization of knowledge in the humanities (Smith, 1999).

Sujet de la session en français / Topic in french

Les concepts d’« art » et de « musée » méritent d’être repensés à l’aune des études autour des artéfacts réalisés dans les Amériques, en Afrique, en Asie ou en Océanie dans le contexte de l’histoire coloniale (XVIe-XIXe siècles) et aujourd’hui conservés dans des collections européennes. Ce contexte spécifique de circulation de biens de consommation à l’échelle globale doit inciter à considérer les choses en mouvement et à mettre en lumière l’histoire de la construction des valeurs qui leur ont été attribuées au fil du temps (Kopytoff, 1986). L’étude de ces objets doit être intégrée à une histoire politique, idéologique et esthétique faite de paradigmes qui déterminent à la fois leur trajectoire, leur conceptualisation dans le contexte colonial et leur réception de nos jours.

Les différents matériaux qui composent ces objets, les formes qui les illustrent et les gestes qui les accompagnent témoignent de leur caractère hybride (Biro, Étienne, 2022), ayant été isolés, modifiés ou réinterprétés. Ces objets transportent des significations et des valeurs qui se transforment en permanence. Les études sur la culture matérielle permettent d’appréhender ces changements dans "la vie sociale des objets" (Appadurai, 1986). Comment des

« ontologies » différentes (Descola, 2021) se configurent-elles au carrefour de l’objet ? Comment les analyser à l’aune des patrimoines immatériels autochtones (Paré, 2003) ? Quelles sont les traces de différents rapports au monde, voire de différentes formes d’interactions culturelles ? Quels procédés permettent de les activer (Gell, 1998) et quels indices matériels témoignent de leurs réappropriations successives ?

L’économie politique, la marchandisation des cultures et l’émergence du tourisme en lien avec la colonisation permet de comprendre comment ces objets ont été décrits et traduits jusqu’au milieu du XXe siècle dans un système de classification qui a longtemps hiérarchisé les productions artistiques européennes et non-européennes. L’histoire matérielle des objets nous permet de mieux comprendre les hiérarchies entre les productions artistiques ainsi que les relations et les systèmes d’échange qui existent entre les différentes régions du monde. Il s’agira dès lors de cerner les interactions entre les représentations occidentales et la culture matérielle autochtone, de la transposition à la traduction jusqu’à la résistance. Quelles sont les particularités matérielles de ces objets qui se sont imposées dès leur entrée dans les collections en Europe et quel est leur lien avec des concepts généraux liés à une certaine définition de l’« art » (authenticité, esthétisme) (Phillips, 2020) ? Peut-on observer des échanges entre l’illustration scientifique, et plus généralement l’histoire de images occidentales, et ces artéfacts, ou relever des impacts directs, par exemple sur leurs modes d’exposition en Europe ?

Le but de ce panel est de présenter des modèles de recherche en provenance en inscrivant des parcours isolés d’artéfacts dans une géopolitique globale, qui tient compte des spécificités non seulement des principaux empires d’Europe, en particulier de la France, mais aussi de leurs liens avec des agents dans des pays limitrophes, telles que la Suisse (Brizon, 2023). Les propositions mettront également en avant des méthodologies d’études et de recherches novatrices pour appréhender la polysémie de ces objets, tirées par exemple de la nouvelle muséologie et de la recherche participative (Simpson, 2016) dans une perspective de décolonisation des savoirs en sciences humaines (Smith, 1999).