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36ème Congrès du CIHA - Lyon 2024

Parrainé par le Ministère de la Culture,
le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche,
le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Dire la matière de l’œuvre / Saying the matter of the artwork

Annamaria Ducci 1 , Arnaud Timbert 2

1 Accademia Di Belle Arti De Carrara - Carrare (Italy), 2 Université de Picardie Jules-Verne, Amiens (France)

Sujet en anglais / Topic in english

How can the materiality of a work of art, its physical structure, be put into words? In Western culture, writings, particularly the ekphrastic, have focused on the visual perception of the artwork, privileging its visible appearance and its place in space; descriptions have traditionally given more importance to the form of the artwork than to its matter, thus perpetuating the antinomy of classical philosophy. However, not all historical periods have perceived this dichotomy in the work of art. One needs only recall the (imaginary, however) description of Achilles' shield (Iliad, XVIII, 468-617) to realise the importance given to materials alongside an eminently iconographic discourse, whose enarghéia - or even evidence, as Quintilian defines it in his Institutio oratoria - is thus reinforced. Pliny's Naturalis historia then introduces proto-scientific attention to art matters while forging a nomenclature and a cultural history of the different materials. In the Middle Ages, writers describe objects focusing on raw matters and artificial materials, such as fabrics, alloys, and pigments. This analytical capacity depends on a form of perception that gives significant importance to substances and the processes of transformation and can forge a rich and incisive terminology. A materialist line for the description of the work of art thus emerges, which is not unrelated to social phenomena (such as the social affirmation of the artist, the organisation of artistic work in workshops, the industrial revolution) or cultural phenomena, notably the revaluation of the sense of touch as opposed to the sense of sight. One should remember, however, that non- Western cultures also pay great attention to materials: the descriptions of weapons, treasures and ornaments in mythological tales (e.g. Ferdowsi's Book of Kings, the epics of the Mahabharata and Ramayana, or several Chinese and Japanese texts) bear witness to this.

The session aims to fill a gap in the studies devoted to ekphrasis. It proposes to explore the attitude to "say the matter of the artwork", its historical fluctuations, and its rhetorical difficulties to trace a true "material narrative of art". The session will be open to exchanges between different fields and methodologies. It will seek to present the rhetorical devices and identify the historical and cultural contexts that have privileged the expression of the artwork's materiality and its aspect of technicality. The question of verbal specificity, a vocabulary specially forged for each material, will also be raised. Specific attention will be paid to the vocabulary of architecture in its relationship with the sciences (Geology, Physics, Chemistry).

Sujet de la session en français / Topic in french

Comment transposer en mots la matière de l'œuvre, sa structure physique ? En Occident les écrits sur l'art, notamment les ekphrastiques, se sont concentrés sur la perception visuelle de l'œuvre, privilégiant son aspect extérieur et sa place dans l'espace ; en pratique, la description a traditionnellement donné plus d'importance à la forme de l'œuvre, au détriment de sa matière, perpétuant ainsi l'antinomie inhérente propre à la philosophie classique. Cependant toutes les époques n'ont pas perçu cette dichotomie dans l'œuvre d'art. Il suffit de se remémorer la description (imaginaire, pourtant) du bouclier d’Achille (Iliade, XVIII, 468- 617), pour se rendre compte de l’importance accordée aux matériaux à côté d’un discours éminemment iconographique, dont l’enarghéia - voire l’évidence que Quintilien définit dans son Institutio oratoria - en résulte ainsi renforcée. La Naturalis historia de Pline introduit ensuite une attention proto-scientifique aux matières de l’art, tout en forgeant une nomenclature et une sorte d’histoire culturelle des différents matériaux. Au Moyen Âge, les objets sont décrits avec une attention portée aux matières premières et aux matériaux, tels les tissus, les alliages, les pigments. Cette capacité analytique dépend d’une forme de perception qui accorde une importance majeure aux substances, ainsi qu’aux processus savants de transformation, et qui est capable de forger une terminologie très riche. Une ligne matérialiste de la description de l’œuvre d’art s’établit ainsi, qui n’est pas sans rapport avec des phénomènes sociaux (tels l’affirmation de la figure de l’artiste, l’organisation du travail artistique dans les ateliers, la révolution industrielle) ou culturels, notamment la réévaluation du sens du toucher par opposition au sens de la vue. Rappelons toutefois que les cultures non- occidentales font également preuve d’une grande attention aux matériaux : les descriptions d’armes, de trésors, d’ornements dans les contes mythologiques (par ex. le Livre des Rois de Ferdowsi, les épopées du Mahabharata et du Ramayana, ou encore des nombreux textes chinois et japonais) en témoignent.

La session vise à combler une lacune dans les études consacrées à la description des œuvres d'art, se proposant d'explorer cette attitude à « dire la matière de l'œuvre », ses fluctuations historiques, ses difficultés rhétoriques, afin de tracer une véritable narration matérielle de l’art. Ouverte aux échanges entre différents domaines et méthodologies, la session cherchera à présenter les dispositifs rhétoriques utilisés, et à cerner les contextes historico-culturels qui ont privilégié l’expression de la matérialité de l'œuvre, mais aussi son aspect de technicité. La question d’une spécificité verbale, d’un vocabulaire spécialement conçu et utilisé pour chaque matériau, sera également posée. Une attention spécifique sera portée au vocabulaire de l’architecture, dans ses rapports avec les sciences (Géologie, Physique, Chimie).